Ah que je suis malheureux !


Auto calino-thérapie ?
Ou
Auto limito-thérapie ?

Quand je me plains, quand je fais de l'auto-compassion ... c'est bien pratique ! Mais, je me fais du bien ou je me limite ? A moins que je ne culpabilise mon entourage, sans le vouloir ...

Faute d'écoute, faute d’un autre pour nous plaindre, nous le faisons nous-mêmes. Tranquillement replié sur notre mal-être, nous remâchons ces idées noires qui nous rassurent. Je suis une victime, ce n'est pas de ma faute : c'est bien confortable comme posture.

Hélas, le courant qui nous porte et nous fait réussir, est un courant de vie, d'espoir, positif, optimiste et toujours en marche.

Se plaindre, c’est s’arrêter sur soi et stopper la marche du temps sur un événement négatif issu du passé. C’est se créer une spirale négative et ne plus agir. Se plaindre ne change rien, au contraire : c'est remettre à vif la plaie qui ne demandait qu'à se refermer.


Votre Père vous conseille : 

La vie réelle est devant toi, sois joyeux, avance, crée ton bonheur, aie foi en toi. 
Tu réussiras si tu crois en toi !

3 - Le départ

Les Allumés de la Paix
Chronique ruralo-décalée d’un certain bonheur



Assise sur son lit, Germaine trie dans son linge et ses souvenirs. Intraitable, Rolland juge de ce qui est mettable ou pas et deux piles inégales se forment devant le jeune couple.
"Tu vois, dit Rolland en désignant le tas le plus important, tout ce qui est la, c'est à jeter. Tu avais vraiment un look de bonne sœur, hein ? "       
"N'exagère pas quand même !"

Rolland sourit et désarmée, Germaine admet. Elle constate sombrement que dix années d'une vie sans joie, ne prennent pas beaucoup de place. L’absence de bonheur manque de relief et les vies plates s’inscrivent en creux dans l’histoire des gens.

Ils ont pris la décision de quitter ce triste meublé, pour aller s'installer dans le petit mas que Rolland squatte au milieu des vignes. Pour Germaine qui a toujours payé un loyer, cette perspective est aussi amusante qu'inquiétante, mais derrière son nouvel homme elle est prête à toutes les aventures.

C’est à demi rassurée qu’elle accueille sa propre propriétaire, convoquée fermement pour la remise des clefs. Celle-ci fera les frais des incertitudes de Germaine qui lui jettera à la tête le lit défoncé, taché et toujours vide d'homme, la tapisserie ringarde scotchée tant bien que mal, la gazinière moribonde et le chauffe-eau fantaisiste.
Emportée par son élan, elle lui rappelle ses mesquineries et la verrue qu'elle porte au menton.

La propriétaire reste souriante, car les vieux loyers sont peu rentables et ce départ inespéré lui permettra une juteuse augmentation, pour le prix dérisoire d'un coup de balais.


Un peu gêné de cet éclat, Rolland se hâte vers la gare. L'orgue de Barbarie qui sert au transport  croule sous les paquets, et le déménagement a des allures d'exode. Quelques mètres derrière, deux chiens et un ivrogne mal dessaoulé les suivent, à tout hasard. Germaine s‘efforce d’avancer dignement, défiant ceux qu'elle rencontre de son regard de femme heureuse.
Il n'est pas de poule plus prétentieuse, que celle qui vient d’apprendre à pondre !

Après avoir placé son instrument dans le wagon a bagages, Rolland inspecte tout, s'assure de la bonne fixation de son fond de commerce et fait transmettre ses recommandations de douceur au conducteur, qui s'en fiche comme de sa première pelle à charbon.
Le contrôleur qui assiste à l'embarquement reste stoïque. Pour avoir enchainé récemment deux grèves, un arrêt maladie de complaisance et trois semaines de congés, il possède d'importantes réserves de patience qu’il met au service de Rolland.
On n’a pas tous les jours la chance d’observer des voyageurs aussi originaux

Avec un dernier regard à son orgue, Rolland rejoint Germaine dans le compartiment voisin. Mal assis sur des banquettes trop étroites, ils se regardent et sont heureux. L'assurance d'être deux remplace parfois les projets d’avenir.

Au travers des fenêtres baissées, les grincements du train et le chant des cigales bénissent joyeusement cet étrange voyage de noce.


2 - Le premier jour

Les Allumés de la Paix
Chronique ruralo-décalée d’un certain bonheur



Rolland se réveille dans le lit inconfortable de Germaine.
C'est un de ces vieux lits trop haut, dont la boiserie vétuste respire l'encaustique. Les bourrelets du matelas de laine lui meurtrissent les côtes, et les draps de lin sont tellement rugueux qu’au petit matin il se sent rasé de frais.

La chambre sent l’amour, l'église, et la lavande qui se dessèche dans l'armoire. Rolland imagine les piles de draps bien alignés, entre lesquels alternent les sachets d'herbes et d'antimite, les papiers de famille, le livret de caisse d'épargne et les images pieuses.

Derrière les doubles portes du meuble bancal, c'est tout un passé sans avenir qui sommeille.
Lettres enrubannées et jamais relues, cartes d'anniversaire expédiées par un lointain neveu en mal d'argent, certificats de garanties périmés et coupures de presse, voisinent avec les Saintes et les prières, en souvenir de quelques vœux jamais exaucés. Les draps encore neufs, héritage de famille, attendent en jaunissant une improbable descendance convertie à la couette, qui ne saura qu'en faire.
Les aïeules de Germaine ont fait provision de linceuls.

Prés de la fenêtre étroite, une antique coiffeuse au marbre fendu est transformée en hôtel des ancêtres.  On y trouve pêle-mêle les photographies retouchées d'un couple sévère et guindé, d'un jeune homme en tenue de militaire de musée et l'image de Sainte Rita, patronne des femmes stériles.
Trois crucifix de tailles et de styles différents, semblent reproduire la mort du Christ, sous les yeux de Marie, enfermée pour l'éternité dans sa petite boule d'eau, les pieds dans la neige.
Sur le socle du jouet une inscription assure : à Lourdes, nous avons prié pour vous - Made in Taiwan.

L'inévitable canevas est accroché de guingois à la gauche du lit. C'est un paysage convenu de campagne à l'automne, ou prés d'un ruisseau, trois jeunes filles partagent leur gouter à l'ombre des arbres.
Les couleurs sont incertaines, et les points irréguliers donnent à l'œuvre une perspective de peintre ivre qui invite au vomissement.
En bas et à gauche, ont a fini le tableau en utilisant les restes de coton et depuis des années, un ruisseau déverse au bord du cadre poussiéreux, une eau rouge et noire d'un effet inquiétant.

La porte du modeste deux pieces ferme mal, et Rolland entend sa compagne d'une nuit s'affairer dans sa cuisine. Coincé au creux profond du lit, il s'étire et revit sa nuit.
Pour un homme d'expérience, Germaine n’est pas vraiment une affaire. Son manque de pratique en matière d’exercices amoureux se fait cruellement sentir, et la lecture assidue de la gazette paroissiale a peu apporté à Germaine dans ce domaine.

Pourtant, Rolland est ému par la bonne volonté et la sincérité de cette femme. Lui qui a amassé au cours de ses longues années de célibat, assez de souvenirs coquins pour meubler une éternité de soirées solitaires, sait faire la différence. Apres toutes les blondes, brunes ou rousses qu’il a possédées, il découvre un bien-être qui lui est étranger.
Ce matin, contrairement à ses habitudes, il ne fuit pas. Il n’ira pas non plus chanter sur le marché et c’est un peu aussi grâce à l'odeur de fricassée de lapin qui lui parvient.


1 - La Rencontre

Les Allumés de la Paix
Chronique ruralo-décalée d’un certain bonheur


Le joueur d'orgue chante.
Péniblement accompagné des accords sans grâce d'un vieil instrument, il bredouille un répertoire vieillot et sans attrait. Il se sent seul, car il y a peu de monde ce matin sur ce marché Provençal. 
Les grincements de sa manivelle ne captivent personne et seul le marchand d'ail efféminé installé face à lui sous un parasol rose, lui témoigne un peu de sympathie.
En ce moment où l’amour lui manque, Rolland regrette son hétérosexualité.

Il chante et les sons aigus de son vieil instrument vrillent douloureusement son crâne étroit.
Les mélanges d'alcool de la veille, lui laissent un souvenir nauséeux, agrémenté d'une migraine  luxueuse qui descend aux pieds, et même plus bas. Sous ses semelles, le goudron doit souffrir et Rolland voudrait une caisse d'aspirine, maintenant.

En réalité, il n'est pas seul. Une meute de gamins dégénérés, boutonneux et laids, se poussent de leurs bras trop grands en se moquant de lui. Ils dégoulinent de bêtise adolescente et leurs cris sauvages couvrent sans peine la voix agonisante de l’artiste mal réveillé.
Ces gosses sont plus barbares que son orgue. Pour ne pas pleurer, il cherche dans sa tête malheureuse un motif possible de se trouver bien.
Pas de miracle.  Un coup d'œil dans le béret usagé posé devant ses pieds plats le désespère. L’absence de monnaie le ramène immédiatement à la triste réalité de son indigence.

Rolland soupire. Il n’a pas d’argent, il a chaud et il a soif. Mais il est le seul à le savoir.

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A l’autre bout du marché, Germaine trottine presque joyeusement. Son âme simple de vieille fille sans emploi déclaré, s'égaye des rayons du soleil et des odeurs du marché. Pour un peu, elle serait heureuse. Les poireaux qu‘elle vient d'acquérir sont de véritables merveilles.
Serrant dans sa main moite les anses de son sac de skaï, elle se met en quête du marchand d’ail.
Sans le vouloir, elle fredonne " le petit vin blanc ", mêlant son timbre de crécelle aux chevrotements du joueur d'orgue.

Le marchand d'ail n'a pas besoin de publicité, son haleine lui sert de pancarte. Guidée par la musique autant que par les effluves qui émanent du commerçant, elle se retrouve rapidement devant les tresses odorantes d'ail brun et vert. 
« Alors ma petite dame, on vient prendre les aulx ? »  s'exclame en rigolant le gai camelot qui depuis vingt ans s'efforce en vain d'amuser ses contemporains disgracieux avec cette vanne éculée.

Germaine se dispense de répliquer, car l'achat qu'elle va faire requiert toute son attention. Pour une Provençale, l'acquisition d’une tresse d‘ail est un événement majeur qui peut marquer une année.
L’ail doit être frais mais pas dur, piquant mais doux, beau et pas cher.
Ses doigts crochus aux ongles rongés se posent successivement sur différentes qualités, les tâtant, appréciant les contours et la fermeté, tandis que l'œil avare en évalue la couleur et la forme.

Soudain, c'est la révélation.
Au moment ou elle repère au fond d'un cageot l'objet de toutes ses recherches, le chanteur derrière elle entame " les roses blanches ".  Dans le cœur de Germaine que l'indifférence des hommes a pourtant endurci à jamais, les roses blanches (pour sa jolie maman) ont pris un statut a part.
C'est SA chanson, SON crédo. Le signe que les saintes valeurs de la famille et de l'amour filial, restent éternelles dans une société qui se dégrade.

Avec une vivacité qu'elle ne se connaissait pas, elle se retourne, le regard fier, la poitrine plate gonflée, tenant à la main telle une arme victorieuse une tresse d‘un ail superbe.
Rolland, qui s’endormait en déroulant mécaniquement sa chanson dans le désintérêt général sursaute. Pour lui aussi, le choc est terrible !

Tant d'années de solitude, tant d'errances sans but, tant de désillusions vont-elles prendre fin, sur ce petit marché peuplé de pécores pingres ?
Rolland est ébloui. Sous ses yeux, une magnifique tresse d'ail et en même temps une femme !  Son regard glisse sur le bras trop maigre, les épaules étroites et s'arrête navré sur une poitrine que la pesanteur n'a pas épargnée malgré le manque de volume. Les hanches elles-mêmes semblent dissoutes dans l'ensemble, rien ne permettant de savoir à quelle hauteur se trouve exactement la taille.
Germaine se sent gênée d'être déshabillée du regard par cet inconnu et de sa main libre elle tente de cacher ses chevilles, en tirant vers le bas la jupe qu'elle a soigneusement confectionnée (et ratée) elle-même. Pour la première fois depuis longtemps, un sourire apparait sur ses lèvres délaissées,  laissant voir une rangée de dents jaunies.
Les battements de son cœur s'accélèrent, présageant d'une émotion inhabituelle et ses jambes tremblantes se dérobent, lui faisant esquisser une sorte de révérence involontaire.

Hésitant entre le fou rire et l'attendrissement, Rolland contemple le tableau et accélère le rythme de sa chanson pour que le petit orphelin se dépêche d’offrir à sa maman agonisante, tout un champ de roses blanches. Il salue ensuite l'absence de foule et sur un dernier couinement de son orgue, il se dirige fermement sur Germaine.
Les âmes simples ont cet avantage, qu'elles n'ont pas besoin de mots pour s‘entendre. En un seul regard, chacun comprend tout de l'autre.

Sur ce marché de Provence, les vieux se souviennent très bien de ce jour.
Un chanteur des rues poussait sa carriole d'une main et trainait de l'autre une femme souriante.
Sur son orgue de Barbarie, par dessus les angelots de bois à la dorure craquelée, était posé un grand sac de skaï noir d'où dépassaient une tresse d'ail et une botte de poireaux. 


Amours de Gros



Les gros peuvent aussi aimer et avoir envie d’être aimés …


Sur le site de rencontre : qu’est ce que j’écris dans ma description ? Je mets ma photo, ou seulement un petit bout (un échantillon suffira).
Dans mes préférences de loisirs, je coche restau, bouffe, gastronomie ?

La drague
A quoi j’ai droit ? A une grosse ?
Une grosse aime-t-elle les gros ou puis-je espérer qu’elle soit plus indulgente ?
Mais alors si je suis avec une grosse, on va former un couple monstrueux ?
Pourquoi elles sont toutes toujours « pas prêtes » à chaque fois que je m’approche ?

Amours

Questions

Pourquoi elle ne me regarde pas ?
Pourquoi elle me regarde ?

L’amour
Petite femme et gros bonhomme : 
Comment font-ils ? ...
C’est sur le côté uniquement …

Connaissez-vous les 3 stades de la fellation faite au gros à gros ventre :
1) il ne voit plus son zizi au repos,
2) il ne voit plus son zizi en érection,
3) il ne sait même pas qui est à genoux devant lui.


Les excuses
Qu’est ce que je vais bien pouvoir inventer pour justifier mon poids ?
(enfance malheureuse, hérédité, accident de la vie)


Les activités en couple
Dans les côtes : j’en ai bavé pour les monter, mais elle/il ne le sait pas
Ma valise est plus lourde que celles des autres (des fringues de gros(se), c’est plus grand, çà pèse plus lourd)
A la plage et à la piscine, l'obsession c’est « Comment éviter d’y aller ? »  
(Votre Père ne peut pas prétendre avoir ses ragnagnas).


Enfin, être gros et se faire insulter par la femme ses rêves :

C’est toujours : gros tas de graisse …
Ah, qu’il doit être bon de se faire traiter de (gros) connard !


Situations de Gros


Votre Père, n’a pas fait tous les hommes à son image. 
Lui, il a plutôt le look d’un moine très bien portant du moyen-âge, amateur de bons plats et de produits de la vigne, si possible patiemment vieillis en fûts de chêne.
Quand il vient se promener incognito sur terre (pour faire sa petite visite d’inspection), Votre Père est obligé de constater qu’il est considéré comme un GROS et qu’il est traité comme tel ….

Voila quelques situations :

Dans l’ascenseur une plaque annonce : 10 personnes, 800 kgs. Quelle insulte, il manque évidemment un zéro au 800 !
Toujours dans l’ascenseur, une alerte de surcharge sonne. Qui regarde-t-on ? Le dernier monté ? Non, Votre Père, arrivé le premier mais « coupable » de peser trop lourd.

Dans un magasin de vêtements : mais si Monsieur, j’ai votre taille s’exclame le vendeur ravi, comme s’il venait de découvrir la lune et mars en même temps !
Exercice pratique : comment enfiler un pantalon dans une cabine d’essayage de 1M² quand on fait 2 m3?
Ou encore :
- « Tenez Monsieur, nous avons reçu ce petit modèle » annonce fièrement la vendeuse en exhibant une veste criarde à carreaux.
- Heu, vous n’avez rien en noir ou en gris ? 
- Ben …non.
Les grosses portent bien des robes à fleurs, alors pour les gros, vive les carreaux ! (et çà rime)

Dans le sas de sécurité d’un établissement bancaire, la voix off : « une seule personne est autorisée en même temps dans le sas ». Merde, je suis tout seul !

A la terrasse du café, mangeant un sandwich à 16h00 après une interminable réunion qui a empêché Votre Père de déjeuner. Commentaire d’un passant à sa femme : m’étonne pas qu’il soit gros, à bouffer des sandwichs à cette heure-ci !

Au restaurant. Le serveur propose systématiquement la formule la plus riche : « Monsieur Votre Père prendra la formule entrée, plat, fromage, dessert, vin, café » ? Et les voisins en rajoutent : « tu veux mon dessert ? » (il y a une sorte de solidarité et de compassion du maigre vers le gros)


Comment maigrir ? Les maigres et les nutritionnistes ont tous leurs recettes pour réussir le challenge de maigrir :
- Il suffit de …
- C’est facile de maigrir, faut moins bouffer, non ? 
- Il faut bouger plus (t’as essayé de bouger avec un sac de ciment de 50 kgs dans les bras ?) …
- Faut écouter son instinct et ses sensations (justement, c’est ce que je fais depuis 10 ans)
- A la TV :  tu es obligé de te taper toutes les émissions sur les gros qui maigrissent, c’est sensé t’intéresser quand tu es gros

A l’hypermarché, les démonstratrices se précipitent, leurs tartines à la main : 
« Goûtez Monsieur » (un gros comme çà, çà doit bouffer et tout aimer)

Dans l’avion.
L’hôtesse qui voit mal avec ton ventre : 
- « Vous avez attaché votre ceinture ? »
- T’inquiète pas, je suis tellement calé entre les 2 accoudoirs que ton avion peut faire des loopings. Je ne vais pas bouger… Au fait pour la ceinture, tu as une rallonge ? (humiliation suprême).
Quand à utiliser les toilettes, oublie ! Impossible d’y entrer (et surtout d’en sortir) …


 La partie de son corps que Votre Père préfère ? 
Ses pieds.
C’est l’endroit le plus sympa. Un pied, çà grossi pas beaucoup …


Fragment de la vie d’Alexandrine SOUILLARDE


Alexandrine SOUILLARDE est une femme au physique et au passé étonnant, dont la vie mérite d’être contée, car Alexandrine SOUILLARDE avait un problème, elle n'était pas belle.
Elle appartenait à cette race de femmes que les hommes de goût appellent communément des thons, et que les autres n'appellent jamais. En un mot, Alexandrine était laide à pleurer : d'une laideur profonde, insondable, désordonnée jusqu'à l’exubérance.

Issue d'une famille violemment défavorisée, elle s'était élevée elle-même dans les ornières poussiéreuses de sa rue, loin des claques de sa mère alcoolique et de la braguette de son père, alcoolique et chômeur aussi, mais plus méchamment car prompt des reins quand l'heure n'était pas trop tardive et la température clémente.
Elle avait laborieusement appris à ne compter sur personne sur les genoux du bedeau, qui entre deux leçons de catéchisme lui dispensait les lumières de son savoir, une main tenant le livre, l'autre dans sa petite culotte, regrettant que ce pubis encore imberbe ne ranima que mollement une érection depuis longtemps défaillante.
Mais, à Sainte Foy la Galéreuse, le bedeau avait depuis toujours appris à se contenter de peu, et même souvent de rien, démontrant par là que le bonheur est une notion aussi individuelle que relative.

Alexandrine n’avait jamais eu d'amis. Trop pauvre pour intéresser les autres fillettes, trop laide pour que les garçons l'approchent, pas assez farouche aux yeux des grenouilles dominicales médisantes et hargneuses qui faisait le bien à Sainte Foy la Galéreuse, trop sauvage aux yeux lubriques des époux des ci-devant grenouilles, Alexandrine s'était élevée vraiment seule et solitaire, dans la plus complète des solitudes désespérantes.

Elle avait cependant grandit. Trop et mal.
Longue, plate, dégingandée, elle mouvait son corps maladroit en brusques saccades sautillantes, ses bras trop longs faisant balanciers en de larges mouvements d’une amplitude étonnante. Quand elle marchait, Alexandrine SOUILLARDE ressemblait a un ancien sémaphore désarticulé.

Si la pauvreté sied mal aux femmes et encore moins aux vilaines, elle devient risible d'intensité chez celles qui cumulent a l'excès. Ainsi, toujours ensachée dans quelques mauvaises nippes de récupération ravaudées avec un manque de gout forcené, Alexandrine ne passait pas inaperçue. Logeant à l’extrême limite du village, elle profitait bonne dernière des œuvres de Monsieur le Curé, et devait trier pour se vêtir, dans le rebut des autres pauvres de la commune.
En sortie du bourg et loin après les dernières maisons, entre la route peu fréquentée de Saint Supplice la Savatière et les eaux nauséabondes de la Vomille, le logis d'Alexandrine était à son image : étroit et obscur. Epargné de la démolition, plus par économie que par mansuétude, l'ancienne maison communale du bourreau offrait un abri rassurant, dont la solidité compensait l'inconfort. 


L'ameublement en était sommaire. Une paillasse clouée au sol, une petite table bancale qui avait connu trois pieds, deux parpaings pour suppléer au pied manquant, une bassine cabossée et un vieux cadre dans lequel une photographie jaunie montrait un couple de vieux à l’air méchant. De ci, de la, quelques nids de termites égayaient comme ils pouvaient les murs suintants de pierres noircies.
Autour de la sinistre construction, s'étendait un petit pré, qui entre deux crues dévastatrices de la Vomille, servait à Alexandrine de jardin de désagrément, de potager, de chambre en été et de lieu d'aisance toute l'année.

Ce soir là, la lumière tirait lentement vers sa fin, avec cette lenteur désarmante des saisons qui changent. La lueur descendante nimbait la bâtisse d'une auréole presque magique, ruisselant sur l'ardoise brillante du toit, puis s'écoulant sur la mousse verdâtre des murs, pour finir en folle flaque floue au pied du bâtiment, inondant des tessons éparpillés de canettes de bière éclatées.

Emue et déjà passablement ivre, assise a quelque distance sur une poubelle retournée, Alexandrine contemplait ce spectacle en méditant sur la fin de cette journée, qui marquait pauvrement son trentième anniversaire. Elle composait mentalement son diner, ce qui ne réclamait que peu d’efforts de sa part, son garde-manger contenant tout juste un morceau de pain, un demi saucisson, un pot de fromage blanc périmé et trois bons litres de gros vin rouge frelaté.

La soirée s'annonçait triste, car solitaire serait son repas, solitaire serait sa nuit et solitaire son plaisir.
Pourtant, en cette soirée, Votre Père, de bonne humeur, apparût a Alexandrine et lui dit aimablement :

-  Hé ! boudin ! Si t’allais bouter l'ignorance hors du pays ? Au lieu de glander, tu pourrais apprendre à  lire aux petits zenfants des zécoles.
-    La putain de ta race maudite, répliqua vertement Alexandrine qui ne supportait pas la vulgarité, tu vois pas que je sais à peine lire moi-même, crâne de pet ?


Alors, Votre Père fut ému de tant de franchise car il voyait que sous l’alcool et la poitrine plate, le cœur d'Alexandrine était bon. Il lui fit accorder illico le RSA, une carte de bus gratuite, une photo dédicacée de Céline Dion en string,  des gros seins et son entrée à l'école des professeurs de maternelle.

Pour le physique, Votre Père ne put rien faire d'autre, car il est des cas ou même le pouvoir infini de Dieu a des limites.

Quelques armées plus tard, instruite, diplômée, habillée, désintoxiquée, lavée, masturbée et dépucelée, Alexandrine prenait ses fonctions d‘institutrice, pour le plus grand bonheur des enfants, de son inspecteur d'académie et des mauvaises commères de Sainte Foy la Galéreuse, où les méchantes langues la croient toujours danseuse du ventre à Tanger.



Pub éducatrice



Que dire de ces pubs qui passent actuellement sur les chaînes françaises et qui (indépendamment du message publicitaire qu'elles portent) révèlent une curieuse éducation.

Mettons nous en situations :

Cas N° 1

Je suis invité à dîner chez des amis de "la haute" bourgeoisie et pour faire plaisir, j'ai décidé d'apporter un (gros) paquet de yaourts à 0% de matière grasse.
En synthèse : non seulement je prends mes amis pour des blaireaux nécessiteux, mais en plus je leur explique - grâce à cette subtile symbolique - qu'ils sont trop gros.

Il serait étonnant qu'ils m'invitent à nouveau ...


Cas N°2

Toujours invité chez des amis (mais d'autres, car je suis définitivement fâché avec ceux des yaourts), je crains qu'ils ne proposent pas de fromage en fin de repas. Alors prévoyant, j'amène mon camembert à moi ...


Imaginons l'élégance de la scène : à peine les assiettes du plat principal retirées, je sors mon calendos sous les yeux incrédules de mes (futurs ex) amis.
Me restera plus qu'à me curer les dents avec la fourchette à escargots et à me moucher dans la nappe, en attendant pire ...

Mais où ai-je été élevé(e) ?

Nadine travaille ?

Nadine est une secrétaire au chômage depuis 4 jours et elle est déjà convoquée par son agence pour l'emploi, qui fait preuve ici d'une célérité qu'on ne lui soupçonnait pas.

La grosse dame qui reçoit Nadine n'est pas aimable. Visiblement proche de la retraite, installée dans un bureau non climatisé, elle baigne en ce chaud mois de juillet dans une sueur odorante aussi aigre que son caractère. Elle farfouille dans son ordinateur et tout à coup s'exclame :
- J'ai quelque chose pour vous ! C'est une chance !

Elle semble un court moment heureuse en pensant à ses statistiques, puis imprime un papier et le remet sans plus d'explication à Nadine. C'est une convocation à un entretien.
- C'est à la gare, là où il y a les trains ... (ah bon ?), ils vous expliqueront.


Congédiée sans plus de commentaires et un peu perplexe, Nadine attend son rendez-vous du lendemain avec une certaine curiosité.

Quand elle se présente à la conciergerie de la gare, son interlocuteur - un homme sympathique d'une quarantaine d'années - semble embêté. Il jette à Nadine de courts regards et la toise de haut en bas ...
- Bien, vous avez 54 ans et c'est l'agence qui vous envoie .... venez avec moi ....

Nadine le suit intriguée. Escalator, sous-terrain, escalator à nouveau et les voila sur le deuxième quai de la gare. L'homme s’arrête sous un panneau qui proclame : Service Bagages - Faites vous aider !

Sous le poteau, stationne une énorme charrette en acier, attachée par un chaîne qui doit peser un paquet de kilos. L’engin de trois mètres de long est monté sur deux énormes pneus et se pousse visiblement au moyen de brancards plus gros que le bras de Nadine
L'homme toussote, de plus en plus gêné. Il regarde la silhouette fluette de Nadine, ses hauts talons et sa petite robe blanche :
- Voila ... heu, c'est un service pour les voyageurs qui ont des difficultés à porter leurs bagages .... on charge les valises la dessus et puis ... on les livre dans la gare ... en faisant le tour par là bas ...


De la main il désigne vaguement un endroit lointain.
Nadine a du mal à retenir son fou rire. L'homme soupir :
- Pardon de mon indiscrétion mais ... vous pesez combien ? Cinquante kilos ?
- Quarante-sept rectifie Nadine, morte de rire...

L'homme secoue la tête :
- Ils sont vraiment cons ....